Les Clés du Royaume (The Keys of the Kingdom)
1941
Un véritable roman de mœurs, Les
Clés du Royaume étudie le clergé catholique, sa corruption, ses contradictions de
valeurs (foi vs. dogme), la place de la religion et du missionnaire dans la
société, tout en prêchant une tolérance religieuse parfois trop simpliste. Un livre sur la trajectoire des vies, où l’on termine là où l’on a
commencé. De la même trame que Sarn, ce livre semble vieillot, plein de
morale, l’histoire d’un long drame où les personnages sont autant soumis
aux caprices du destin qu’à la plume impitoyable de l’auteur. Mais, c'est avant tout un roman qui a mal vieilli.
Il se lit comme un fleuve de tragédie où les personnages, dénués de volition, se trouvent secoués d’un drame à l’autre. Même le violeur incestueux est jugé victime de son manque de résolution ! L’ironie étant que Francis, le héros, est prêt à tuer des gens qui menacent de violer les femmes de sa mission, mais excuse presque le passage à l’acte de Ned. Pourquoi ? parce qu’il le connaît, qu’il juge son acte “out of character”, quand plusieurs choses suggéraient déjà son attitude vicelarde. Peut-être Cronin met-il seulement en scène le 19ème siècle, en proie à ses préjugés et ses idées reçues; mais cela reste étrange que dans un récit où toutes sortes de maux sont fustigés, le pire d’entre eux, le viol, n’est pas tant condamné que pris en pitié. C’est simple, le violeur se voit doté d’une soudaine conscience (il n’est pas vraiment un mauvais gars, il a juste fait une erreur!) ; la victime, elle, est sacrifiée : ainsi, elle ne nous gênera pas trop avec son traumatisme et servira à épaissir le personnage tragique du héros.
L’histoire est un peu trop prévisible, la suite des évènements trop forcée. Si Cronin jouit du talent de conteur, celui-ci semble gâché dans cette œuvre sommes toutes assez pauvre, et même lassante. Il y a de la substance, mais il faut enlever les couches de lyrisme pour la dégoter ; le roman en devient un recueil de bons moments, plutôt qu’une bonne histoire. L’exaltation de l’écriture empêche le lecteur de se faire son idée, intervient avant de lui laisser le temps de juger et, par là-même, l’écarte des personnages en voulant fausser son jugement. Peut-être que nous n’avons pas le même avis sur Francis que Cronin... Avec son analyse intégrale du personnage, il nous fourre dans les bras son prêtre bien-aimé et exige de nous qu’on le plaigne, encore et encore. Tous les personnages sont créées, caricaturés et peaufinés dans le but de soutenir la thèse chère à l’auteur, selon laquelle son héros est un saint d’humilité désintéressée, un vrai persécuté. Ce martyre (image volontaire du Christ sur la croix?) est entouré de gens passablement mauvais, du violeur à l’orgueilleuse nationaliste et immorale, de gens bons aussi, mais qui, évidemment, sont trop faibles pour pouvoir réagir. Ce procédé génère l’effet contraire : on s‘endurcit par rapport au héros, le récit en devient, à force, rageant, et c’est avec soulagement qu’on tourne la dernière page en se disant : enfin !
Les Clés du Royaume aurait dû s’intituler Le Misérable.
Il se lit comme un fleuve de tragédie où les personnages, dénués de volition, se trouvent secoués d’un drame à l’autre. Même le violeur incestueux est jugé victime de son manque de résolution ! L’ironie étant que Francis, le héros, est prêt à tuer des gens qui menacent de violer les femmes de sa mission, mais excuse presque le passage à l’acte de Ned. Pourquoi ? parce qu’il le connaît, qu’il juge son acte “out of character”, quand plusieurs choses suggéraient déjà son attitude vicelarde. Peut-être Cronin met-il seulement en scène le 19ème siècle, en proie à ses préjugés et ses idées reçues; mais cela reste étrange que dans un récit où toutes sortes de maux sont fustigés, le pire d’entre eux, le viol, n’est pas tant condamné que pris en pitié. C’est simple, le violeur se voit doté d’une soudaine conscience (il n’est pas vraiment un mauvais gars, il a juste fait une erreur!) ; la victime, elle, est sacrifiée : ainsi, elle ne nous gênera pas trop avec son traumatisme et servira à épaissir le personnage tragique du héros.
L’histoire est un peu trop prévisible, la suite des évènements trop forcée. Si Cronin jouit du talent de conteur, celui-ci semble gâché dans cette œuvre sommes toutes assez pauvre, et même lassante. Il y a de la substance, mais il faut enlever les couches de lyrisme pour la dégoter ; le roman en devient un recueil de bons moments, plutôt qu’une bonne histoire. L’exaltation de l’écriture empêche le lecteur de se faire son idée, intervient avant de lui laisser le temps de juger et, par là-même, l’écarte des personnages en voulant fausser son jugement. Peut-être que nous n’avons pas le même avis sur Francis que Cronin... Avec son analyse intégrale du personnage, il nous fourre dans les bras son prêtre bien-aimé et exige de nous qu’on le plaigne, encore et encore. Tous les personnages sont créées, caricaturés et peaufinés dans le but de soutenir la thèse chère à l’auteur, selon laquelle son héros est un saint d’humilité désintéressée, un vrai persécuté. Ce martyre (image volontaire du Christ sur la croix?) est entouré de gens passablement mauvais, du violeur à l’orgueilleuse nationaliste et immorale, de gens bons aussi, mais qui, évidemment, sont trop faibles pour pouvoir réagir. Ce procédé génère l’effet contraire : on s‘endurcit par rapport au héros, le récit en devient, à force, rageant, et c’est avec soulagement qu’on tourne la dernière page en se disant : enfin !
Les Clés du Royaume aurait dû s’intituler Le Misérable.
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