« je peux imaginer cet autre corps, plus ferme, avec un
large torse plat où les pectoraux jouent librement, mes hanches deviennent
étroites et je pressens, au bas de mon ventre, la turgescence qui ressemble aux
hampes de la victoire, on les agite lentement, les soirs de bataille, sur les
champs jonchés de morts. Tu as peur, tu te crispes, tu m’ennuies. » (15)
« L’inconnu est en face, cent fois j’ai logé dans ses
bras et je ne suis pas entrée. » (16)
« Jamais une femme n’a été homme, jamais un homme n’a
été une femme. Chaque sexe possède un savoir qu’il ne saurait partager et les
stupides opérations que je sais qu’on pratique ne sont qu’un leurre,
déguisement (sic) qui ne touchent pas
l’esprit, elles costument les corps et tuent le désir. » (16)
« j’ai toujours su que c’était l’âme qui faisait le
visage » (26)
« à force d’avoir tenté d’être ce que sa mère lui
suggérait, discrètement, de devenir, elle ne sent pas qu’elle soit unique comme
chacun a droit de le sentir et qu’elle a quelque chose à dire qu’elle est seule
à pouvoir dire. » (38)
« Je suis la personne la plus embêtante qui se puisse
imaginer et je n’ai aucune possibilité de fuir ma propre compagnie. » (39)
« J’ai mal, pensa-t-elle, et je ne sais pas où est la
plaie. » (50)
« mais qui se connaît ? N’allons-nous pas tous à
travers la vie dans la même ignorance de ce que nous sommes, prêts à nous ruer
sur toute description de nous-même qui nous donnerait l’illusion délicieuse
d’avoir une identité simple qui tient en quelques mots ? » (59-60)
« la pensée n’a pas de sexe » (78)
« Si cette femme avait eu une âme, elle avait macéré
dans l’alcool, il n’en restait que le regard sournois qui guette l’effet des
plaintes sur l’interlocuteur. Elle savait qu’elle ne trompait pas mais ne
renonçait pas à feindre car nul ne voulait de sa vérité qui faisait peur »
(88)
« elle ne savait pas ce qu’elle voulait mais le voulait
avec fureur » (96)
« Orlanda a de l’innocence, il prend le plaisir que le
moment lui propose et ne voit pas plus loin que le bout de son nez »
(101-102)
« On demande aux romanciers s’ils croient que
l’histoire qu’ils racontent est vraisemblable, sans doute c’est qu’on les
confond avec les journalistes, qui ont le devoir d’être des gens
sérieux. » (103)
« Diable ! ne se divertirait-on vraiment bien
qu’avec soi-même ? » (104)
« L’après-midi, il n’avait trouvé qu’un fast-food pour
se nourrir, ce soir il n’avait pas envie de fast-sex. » (109)
« Le temps nous tue, seconde après seconde et, stupides
que nous sommes, nous ne renonçons pas à l’impatience. Ah ! être demain,
la semaine prochaine, voir enfin arriver le moment qu’on attend : mais,
âme inconséquente ! il finira ! Si tu cherchais plutôt à goûter la
minute où tu es ? Arrête-toi, écoute : ton cœur bat, un sang riche
coule dans tes veines, tu vis, jouis-en tout de suite, ne dis pas que le
plaisir est pour tout à l’heure, il est là, il est en cours et il ne durera pas
longtemps, chaque mesure du concerto passe, quand tu seras au bout du dernier
mouvement, certes tu pourras remettre le disque, mais pas celui de ta vie qui ne
tourne qu’une fois. » (111-112)
« Entre le jour qui vient de finir et celui qui va
commencer il y a un instant de suspens absolu, je m’éveille et peut-être ne
sais-je plus qui je suis ni qui dort à mes côtés, alors j’invente vite un nom,
une histoire où loger mon angoisse, j’édifie une identité et comment puis-je
être sûre que celle d’aujourd’hui est bien la même que celle d’hier ? le
monde existe-il ou, dieu endormi qui ne sait pas qu’il rêve, chacun de nous le
crée-t-il à tout instant ? » (118)
« « Je dois vous prévenir que je n’ai aucun goût
pour les liaisons durables.
- Holà ! votre vie sentimentale doit vous coûter une fortune ! » » (122)
- Holà ! votre vie sentimentale doit vous coûter une fortune ! » » (122)
« Ce que je n’ai jamais dit me définit et m’isole
absolument, cela que je suis seule à savoir sur moi garantit mes frontières,
ici c’est moi, là c’est le reste du monde qui ne sait pas ce que je n’ai jamais
avoué. » (148)
« On détruit sa vie sans le savoir, pour complaire à
des gens qui vous ennuient mais auxquels on n’arrive pas à résister »
(200)
« Voici les familles, se dit-il, on n’est pas supposé
concevoir ses propres opinions, si on change, c’est qu’on a de mauvaises
fréquentations. » (201)
« la terre tournait autour du soleil bien avant que
nous, pauvres humains, mettions la gravitation en équations. » (210)
« Il faut, pour percevoir et transmettre la diversité
d’une œuvre, avoir en soi un écho à tous ses aspects. » (223)
« chacun d’entre nous, petites âmes errantes en quête
d’une parcelle de bonheur et toujours déçues, nous allons d’aube en aube, le
cœur déchiré, courageux et pathétiques, tentant éperdument de nous comporter
avec la dignité requise par notre condition d’êtres humains, maladroits,
désolés, tenaces, nos erreurs ne nous apprennent rien sur nous ni sur les
autres, et quand, au détour du chemin, la mort nous regarde droit dans les
yeux, nous bafouillons, nous disons que c’est trop tôt, qu’il s’en fallait de
peu pour que nous réussissions, mais elle ricane, elle répond qu’elle nous a
laissé tout le temps nécessaire, que trois siècles de plus n’y feraient rien
car nous sommes inéducables, nous prenons les bonnes manières pour la morale,
nos propres mensonges pour la vérité et la vie pour une sotte, après quoi elle
nous emporte hurlants vers les mornes chaudrons de l’éternité. » (232-233)
« L’amour ne se fait que dans la différence et cherche
sans cesse à l’abolir » (248)
« comment supporter à nouveau sa propre retenue, la
bonne volonté maladroite de la réalité, je suis joyeuse le jour où tu es
sombre, je te tends l’ambroisie et tu voulais la soupe, […], je dis que c’est
bien car je sais que tu souhaitais me contenter, nous allons boitillant
d’erreur en erreur, excuse-moi, je croyais que, mais non mon chéri, c’est
parfait, et quand cela dure toute une vie sans se briser on dit que c’est le
bonheur, pauvres humains que nous sommes, condamnés à ne jamais lire dans l’âme
de l’autre, et, au mieux, déchiffreurs de sourires incertains, guettant les
regards qui allaient se dérober, avides d’exaucer, habiles à cacher la
déception, injustes, infirmes, blessants, aimants. » (248)
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